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Longs métrages : 4 études de cas | Conférences longs métrages : 4 études de cas - Annecy 2010 © E. Perdu/CITIA

Longs métrages : 4 études de cas

  1. Intervenants
  2. Modérateur
  3. Fantastic Mr. Fox
  4. Planet 51 : l’animation made in España
  5. Despicable Me : l’alliance franco-américaine
  6. La saga Arthur : de plus en plus animée

Sommaire

La présentation de cas concrets de longs métrages d’animation est toujours l’occasion de passer de l’autre côté du miroir et de découvrir les petits secrets de fabrication de ceux-ci.
Après une succincte introduction par Patrick Caradec, Allison Abbate est revenue sur la genèse de Fantastic Mr. Fox, long métrage en stop motion réalisé par Wes Anderson, à qui l’on doit La Famille Tenenbaum, La Vie aquatique, etc. Sorti en février 2010, Fantastic Mr. Fox est l’adaptation du roman de Roald Dahl, dont les œuvres ont souvent connu un beau succès au cinéma (Charlie et la Chocolaterie, James et la Pêche géante). À noter que ce film a obtenu le Cristal du long métrage et le prix du public lors du Festival international du film d’animation d’Annecy 2010.

Intervenants :

Modérateur :

Fantastic Mr. Fox

Fantastic Mr. Fox

La productrice Allison Abbate raconte, en préambule, que le metteur en scène a toujours adoré l’œuvre littéraire. Dès qu’il en a eu l’occasion, il en a acquis les droits avec la ferme intention de le réaliser en stop motion. Pour mieux s’imprégner de l’atmosphère, Wes Anderson s’est installé quelque temps dans la propriété familiale de l’auteur, Roald Dahl, en Angleterre. Il voulait ainsi s’imprégner de l’univers de l’auteur et des environnements dans lesquels il vivait et écrivait. Ce travail préparatoire se ressent dans les paysages du film, mais aussi dans les décors des pièces, jusque dans les moindres détails. "Il y a énormément de marron, orange et rouge dans les plans, qu’il s’agisse du décor ou des vêtements des personnages", note Allison Abbate, "ce qui était à la fois dans l’optique du metteur en scène mais aussi dans la perception du héros, un renard." Les designs montrent que les personnages – tous réalisés en quatre tailles, afin de pouvoir jouer avec les distances sur le plateau – sont très humanoïdes, ce qui a permis de mettre en place une animation plus aisée.


Côté voix, le casting a fait appel à des acteurs comme George Clooney, Meryl Streep ou encore Bill Murray. Afin de conserver cette dimension naturaliste, l’enregistrement s’est fait in situ. Ainsi, Allison Abbate montre des extraits vidéo ou Clooney et Murray sont à l’extérieur dans un pré, jouant la scène. "Nous avions non seulement les voix, mais aussi toute l’ambiance du film, le bon ton dans les bonnes circonstances." En parallèle du travail sur les voix, le storyboard est mis en place. "Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, Wes est extrêmement précis", explique la productrice. "Il avait fait énormément de croquis durant l’enregistrement, qu’il a intégrés dans le storyboard pour fournir ensuite un document le plus complet possible aux équipes." Si le film s’attache à retranscrire l’œuvre, il n’en demeure pas moins que certaines adaptations ont été nécessaires. Ainsi, Mr. Fox n’a plus qu’un fils dans le film et le personnage de Blaireau – avec Bill Murray pour la voix – n’était pas présent dans le livre, tout comme le personnage de Petey.


Chacune des marionnettes a été sculptée et appliquée sur une armature métallique. Fan des effets spéciaux "à l’ancienne", Wes Anderson a demandé que les fourrures soient réalisées en vrai poil. "Au-delà de la véracité première du poil naturel, il souhaitait aussi que les changements d’orientation des fourrures, conséquents aux manipulations des animateurs, soient visibles. C’était une sorte d’hommage aux effets spéciaux des premiers films." Dans la même veine, l’eau est simulée avec du film plastique et le savon à la glycérine illustre le feu, le coton les fumées.


Perfectionniste, Wes Anderson souhaite que le personnage soit toujours au centre du cadre ; pour ce faire, une grille a été conçue sur chaque appareil afin de respecter cette volonté. Les prises de vues ont été réalisées sur un plateau gigantesque de 25 000 m2, situé à Three Mills, avec trente unités pour accueillir les décors. Sur chacun d’entre eux, un opérateur caméra, équipé d’un Nikon D3, était présent pour travailler au côté des animateurs. Les chiffres sont éloquents : un an de tournage, 4 000 accessoires, 500 marionnettes et 150 décors (dont certains mesuraient plus de 10 m de long) ont été nécessaires pour réaliser le film. Pas moins de 5 229 plans et 621 450 photos ont été enregistrés, soit 120 Go de données quotidiennes générées (18,5 téraoctets de données ont été conservées au final).

Planet 51 : l’animation made in España

Planet 51

Planet 51 est le premier long métrage d’animation produit par les Espagnols d’Ilion Animation Studios, filiale du groupe Zed, qui développe des contenus et des solutions d’agrégation sur terminaux mobiles et autres plates-formes. Il dispose en outre d’une filiale spécialisée dans le jeu vidéo, Pyro Studios. D’où est née l’idée : "Au départ, notre objectif était de réaliser un jeu mettant en scène un astronaute humain débarquant sur une planète habitée par des aliens", raconte Sophie de Mac Mahon, directrice Business Development chez Ilion, "et nous avions une méconnaissance totale de tout ce qui avait trait à la production."


Le studio a donc été mis en place pour l’occasion et, au plus fort de la production, 250 personnes y ont collaboré, issues de plus de vingt nationalités. Si les équipes se sont appuyées sur 3ds Max pour la majeure partie de la production, le studio a également mis au point une centaine de scripts et de modules d’extension dédiés, dont Mask Creator, un outil d’animation faciale, Asset Tracker et Manager System pour la gestion de projet.


Côté ambiance, le scénario, écrit par Joe Stillman (Shrek et Shrek 2), fait la part belle à l’Amérique des années 1950 : décors, accessoires, vêtements et même comportements portent donc cette patte historique, même si, ajoute Sophie de Mac Mahon, "tout y est rond pour donner à la fois un côté agréable à l’œil, mais aussi pour bien signifier la différence avec la Terre". En tout, 450 personnages ont été modélisés, du héros au figurant. Chacun d’entre eux disposaient de capacités d’animation équivalentes aux personnages principaux. "Ainsi, les réalisateurs étaient en mesure de modifier la scène, de faire revenir des personnages au premier plan très rapidement, sans avoir à repasser par des phases de rigging et d’animation."


Doté d’un budget de 70 millions de dollars, Planet 51 a été coproduit par Ilion, Handmade (la société de production fondée par George Harrison) et Antena 3 Films, filiale cinéma d’une chaîne privée espagnole. Distribué par Sony Pictures Releasing sur 3 500 écrans aux États-Unis, appuyé par un solide budget marketing de 50 millions de dollars – soit l’équivalent de celui de Kung Fu Panda de DreamWorks –, le film a généré 120 millions de dollars au box-office dans les 170 pays dans lesquels il a été distribué et plus de deux millions de DVD ont été vendus.


En parallèle, Zed a créé quatre jeux pour iPhone et autres terminaux mobiles, auxquels s’ajoute un monde virtuel pour PC. Enfin, la division jeu vidéo du groupe, Pyro Studios, a réutilisé tous les décors du long métrage pour le jeu, lui-même doté de 10 millions de dollars pour le marketing, qui a été distribué par Sega.

Despicable Me : l’alliance franco-américaine

Moi, moche et méchant

Sous le titre français Moi, moche et méchant, Despicable Me est un long métrage d’animation en 3D relief, produit par Universal et coréalisé par Pierre Coffin et Chris Renaud, qui sortira en France en octobre 2010 (juillet aux USA). Intégralement fabriqué en France dans les studios Mac Guff, il est le premier long métrage d’animation à bénéficier du crédit d’impôt international mis en place par le CNC pour inciter les productions étrangères à venir tourner en France.


Despicable Me raconte l’histoire de Gru, un génie du mal – en tout cas, c’est ainsi qu’il se perçoit – qui souhaite éliminer son rival, Vector. Ses visées sont mises à mal par l’arrivée intempestive de trois ravissantes fillettes avec lesquelles Gru devra composer. Le personnage de Gru a été l’un des plus longs à créer, selon Chris Renaud et Pierre Coffin. "Nos premiers essais le montraient comme une sorte de vampire ou un super-vilain de comic books." Six mois de préparation auront été nécessaires pour valider le design final ; en parallèle, la voix américaine, Steve Carrell, a également opéré de nombreux essais afin d’obtenir le meilleur timbre possible, en accord avec ce personnage de grande taille, au visage grave, au large torse et aux jambes fluettes. Même challenge pour l’animation : "Une fois le design accepté, nous avons multiplié les dessins dans de nombreuses positions, puis sommes retournés à la 3D avec un set up rudimentaire et des posings intéressants." La complexité était réelle car, pour la première fois, le héros est un méchant… Pierre Coffin : "Il lui fallait des failles, pas trop apparentes, mais que le spectateur sente dès le départ." Chris Renaud complète : "C’est un savant travail d’équilibriste entre ce qui le caractérise à l’extérieur et ce qu’il est à l’intérieur, soit quelqu’un ayant un fond de gentillesse, pour une meilleure identification."


Autres personnages importants du film, les trois fillettes ont, elles aussi, été longues à prendre corps. "Au début, elles étaient en tout point identiques", rappelle Chris Renaud, "mais nous nous sommes vite aperçu qu’il fallait leur donner une singularité pour mieux tirer parti du ressort comique." "Il y a eu beaucoup d’itérations", rappelle Pierre Coffin. "Nous nous sommes d’abord orientés vers un traitement très graphique, puis très réaliste. Finalement, le choix s’est porté sur un design plus cartoon, dans la veine de Peanuts et de Calvin and Hobbes."

 

Les Minions sont les acolytes de Gru, dont le design a été confié à Éric Guillon. Ces créatures étranges se caractérisent, paradoxalement, par une absence apparente… de caractérisation. En fait, chacun dispose de petites différences, mais le jeu consistait à leur donner un corpus physique le plus commun possible. "La simplification nous a cependant permis de mettre en scène une population plus importante que prévu", complète Jacques Bled, directeur de Mac Guff.


Les décors reflètent également les personnalités antagonistes de Gru et de son rival, Vector. "L’un est plutôt un criminel à l’ancienne, tandis que l’autre adore tout ce qui est high-tech", explique Pierre Coffin. C’est du côté de La Famille Addams qu’ont été chercher les metteurs en scène, avec beaucoup de boiseries, de vieux métaux dans des teintes chaudes et dynamiques. À l’opposé, l’environnement de Vector est tout d’acier brossé et de plastique, de gadgets modernes ; sa garde-robe se décline en rouge et blanc. Uniquement. "Cet antagonisme nous a permis de jouer sur tous les éléments du film, y compris dans les volutes de fumée que crachent les engins volants des deux rivaux : pommelées et évanescentes pour l’un, fuselées et droites pour l’autre."


L’animation de Despicable Me a débuté en janvier 2009, peu après la finalisation des designs et des animations de Gru et des fillettes.

La saga Arthur : de plus en plus animée

Arthur 3 : La Guerre des Deux Mondes

Autre long métrage à sortir en octobre 2010 sur les écrans français, Arthur et la Guerre des deux mondes est le troisième et dernier volet de la trilogie Arthur et les Minimoys, réalisée par Luc Besson sur une idée originale de Céline et Patrice Garcia. Si le premier volet laisse apparaître une suite, attendue, les épisodes 2 et 3 ont été conçus comme un seul et même film. Bien que Luc Besson soit le maître d’œuvre de la trilogie, la majeure partie du travail sur l’image est du fait de Pierre Buffin et de son studio, Buf Compagnie : "Mon rôle est de faire l’interface entre le réalisateur et l’équipe", note-t-il en préambule. L’image de synthèse, présente dans le premier film, prend une place de plus en plus prépondérante dans ses suites.


Stéphane Nazé s’en explique. "Sur le premier film, on comptait 1 050 plans, dont 1 000 full 3D et 60 minutes de CG créés par BUF, plus 50 plans dits de VFX (soit l’intégration d’animation dans des prises de vues réelles), pour 27 mois de production à répartir entre cent graphistes. Arthur et la Vengeance de Maltazard comporte 1 185 plans, dont 1 005 full 3D, 65 minutes de CG, 180 plans d’intégration pour vingt mois de production et 150 graphistes. Enfin, la production du dernier volet demeure inchangée, ainsi que l’équipe, mais il y eut 1 714 plans, dont 776 incluant des VFX et 938 full 3D !" On le voit bien, jamais mélange de plans réels et d’animation n’aura autant progressé.


Un pipeline bien rodé

Sur les vingt mois de production, les équipes de Buf se scindent en trois grands axes : design des décors, design des personnages et storyboard. Yann Avenati déroule la timeline : "Sur la partie décors, nous sommes partis de maquettes réelles qui nous ont permis de penser les axes et mouvements de caméra, mais aussi de prévisualiser la création des décors 3D (modélisation, mapping, texturing et prelight). En parallèle sont créés les set up des personnages suivant les différentes étapes : warp, modélisation, skinning, mapping et textures. Enfin, le storyboard nous sert à la fois pour le tournage réel et celui en motion capture, avec les références vidéo. Viennent ensuite le montage, l’animatique, la version 1 de l’animation et le rendu basse définition." Sur un rythme mensuel, les plans réalisés étaient présentés à Luc Besson pour validation. Enfin, une version 2 de l’animation est effectuée, puis un rendu HD.


Décors, set up et animation

Comme dit précédemment, nombre des décors ont été, dans un premier temps, réalisés sous forme de maquettes. C’est le cas de Paradise Alley. A contrario, les extérieurs sont tous full 3D, basés sur de nombreuses références, et le monde des Minimoys est progressivement passé d’un mix entre photo mapping et CG à une création intégralement en images de synthèse. Stéphane Nazé poursuit : "Pour les set up, on a travaillé avec un squelette de base unique que l’on warpait (modification de l’image par étirement) ensuite selon les besoins."

Luc Besson étant avant tout un metteur en scène de prise de vues réelles et les temps d’animation étant très serrés, décision a été prise de tourner le long métrage avec de vrais acteurs, y compris pour les personnages 3D. "C’était pour lui le moyen de mettre en images le film qu’il souhaitait obtenir et pour nous, animateurs, un outil précieux pour notre travail", explique Yann Avenati. Même chose pour le lipsync : jeu des acteurs, voix, son, toutes les références possibles en live ont permis d’asseoir l’animation 3D.

Arthur et la Guerre des deux mondes sortira en octobre 2010 en salle mais ne sera pas projeté en relief, comme l’on pouvait s’y attendre. "Les transitions perpétuelles entre prises de vues réelles et images de synthèse ne nous permettent pas d’envisager une mise en relief de ce film", explique Pierre Buffin.

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