Synthèses des conférences 2015

Long métrage d'animation : petit budget, gros succès ! | Long métrage d'animation : petit budget, gros succès ! / Animated Features: Small Budget, Huge Success, Guillaume HELLOUIN, Marc GENTIL, Adeline MARGUERON, Solveig LANGELAND, (modérateur Christophe ERBES) © G. Piel/CITIA

Long métrage d'animation : petit budget, gros succès !

  1. Intervenants
  2. Modérateur
  3. Guillaume Hellouin
  4. Solveig Langeland
  5. Adeline Margueron
  6. Marco Gentil
  7. Émilie Nouveau
  8. Questions

Sommaire

Le sujet de cette conférence est de mettre en parallèle le budget d'une production avec son succès auprès du public. Les budgets volumineux des grandes productions américaines ou européennes dépassant les 10 millions d'euros ne seront pas évoqués ici. Nous parlerons de ces films à budgets réduits qui sont tout de même en compétition avec les blocksbusters américains en termes de production, de distribution et de marketing.

Intervenants :

Modérateur :

Guillaume Hellouin

Guillaume Hellouin nous parle de Gus, petit oiseau, grand voyage, réalisé par Christian De Vita avec un budget de 10 millions d'euros. Le script commence en 2006 avec Antoine Barraud puis le casting des personnages se poursuit en 2008 avec Benjamin Renner, à partir de photographies d'oiseaux qui l'ont inspiré pour le design des personnages.

Un premier pilote est réalisé en 2009 et présenté au Cartoon Movie. Haut et Court les soutient, puis un distributeur international : SC Films. Un coproducteur en Belgique est aussi intervenu sur la bande-son mais toutes les images ont été réalisées en France par La Compagnie Cinématographique. La production a donc démarré en 2012, entre leurs studios de Bourg-lès-Valence et Paris. 300 personnes ont travaillé sur ce projet, puis les voix ont été enregistrées à Los Angeles de décembre 2012 à mars 2013. Enfin, la musique a été enregistrée avec Stephen Warbeck, qui a déjà remporté un Oscar avec Shakespeare in Love.

Une distribution internationale a été sécurisée sur une vingtaine de pays. Gus a été présenté une première fois en 2014 au BFI London Film Festival. Il est sorti dans quelques salles aux États-Unis en décembre 2014, il fait l'objet d'une importante sortie vidéo et sera sur Netflix au mois de juin. Il est d'abord sorti en Russie dans 1 000 salles. La sortie française a été orchestrée par Haut et Court en février 2015 sur 200 écrans, avec plus de 300 000 entrées fin mai 2015.

Gus – Petit oiseau, grand voyage

L'ornithologue Guilhem Lesaffre a été embauché en tant que conseiller sur le script et sur l'animation des oiseaux. De nombreux partenariats ont été développés avec des magazines consacrés à l'ornithologie, sur l'App Store et Google Play. Des fiches pédagogiques ont aussi été créées avec Nathan et distribuées à 100 000 instituteurs. Une sortie en vidéo suivra avec les studios CANAL, Ciné+ et Gulli.

Solveig Langeland

Solveig Langeland a distribué à peu près 17 films, dont la moitié avec des budgets de 5 millions d'euros. Sa société a décidé d'entrer sur le marché de l'animation et de distribuer trois films animés par an. Elle explique que ceux-ci se positionnent différemment des films classiques. Il est par exemple plus facile de développer des jeux pour les accompagner. Dans l'absolu, il n'y a pas de meilleur distributeur, il faut trouver le bon pour chaque film.

En Angleterre par exemple, elle conseille de s'associer avec de grands distributeurs. Beaucoup s'engagent sur des sorties en salle et le marché DVD existe encore, mais il y a peu de potentiel TV. En France, il y a beaucoup de productions locales et il est difficile d'entrer sur le marché, mais les films artistiques, d'auteurs ou scolaires marchent bien. C'est un marché en relative bonne santé.
En Russie, il n'y a pas de marché DVD, très peu de potentiel TV et beaucoup de piratage. En Allemagne, le marché DVD est toujours fort, la situation est bonne et les distributeurs ont un peu de soutien. En Scandinavie, il y a beaucoup de productions locales. Ces 4 ou 5 pays font beaucoup de coproduction et les sociétés sont présentes sur toute la chaîne de production. Le style visuel est très différent, et ils sont intéressés par l'animation européenne et indépendante.

Aux États-Unis, les sorties en salle sont assez limitées, les familles utilisent beaucoup le streaming, avec Netflix, Google et Amazon. Le marché DVD reste proche de celui de la Grande-Bretagne mais le marché de la TV est très difficile.

Le succès d'une production se mesure selon Solveig Langeland sur le circuit des festivals, avec les prix et les nominations, les critiques cinéma et ensuite le succès en salle. Un bon script et un budget approprié sont essentiels, mais il faut toujours avoir une version en langue anglaise, comme pour le matériel de promotion. Il est en effet préférable de disposer de ces matériaux doublés avec des voix locales plutôt que traduits avec des sous-titres. Enfin, la date de sortie est aussi importante, mais il reste malgré tout un important facteur chance pour rejoindre le public.

Adeline Margueron

Adeline Margueron est basée à Liège et travaille pour Le Parc Distribution, qui diffuse des courts et des longs métrages en Belgique francophone. C'est une activité du centre culturel des Grignoux, exploitant de salles de cinéma depuis 40 ans, avec trois salles de cinéma à Liège, un écran au cinéma Le Parc et trois écrans au cinéma Churchill. Ils reprennent en janvier 2016 l’exploitation du cinéma historique art et essai de Namur qui possède 5 écrans. La Wallonie et Bruxelles représentent un marché de 4 millions d'habitants, ils font donc partie des petits distributeurs.

Le centre culturel regroupe 4 activités : au départ exploitants, ils ont développé une école de cinéma (Écran large sur tableau noir) avec des matinées scolaires proposées dans une quinzaine de villes, un service de brasserie et enfin un circuit de distribution. L'ensemble regroupe 100 personnes, mais elle est chargée seule de la distribution, avec 7 ou 8 films en production par an, essentiellement des films pour enfants, de l'animation, mais aussi des documentaires et récemment un film de fiction.

Ils ont notamment distribué Gus, petit oiseau, grand voyage ou La Sorcière dans les airs. Leur spécificité tient au fait qu'ils travaillent de manière étroite avec le réseau scolaire et disposent pour cela d'un catalogue composé de films pour enfants. L'Ours montagne est un exemple de leurs succès. Ce film a bénéficié d'une bonne sortie, avec peu de concurrence et il a été repris par des programmes scolaires. Le Gruffalo a aussi eu un partenariat au festival Anima de Bruxelles. Les Trois Brigands est repris de temps en temps en programme scolaire et a dépassé les 30 000 entrées.

The Great Bear

Marco Gentil

Marco Gentil est exploitant du cinéma art et essai Le Méliès à Grenoble. Il crée du lien entre les films et les publics en proposant des films de grande qualité à petit budget. L'an dernier, leurs trois salles ont accueilli 180 000 spectateurs, avec 99 % de films labellisés art et essai. Éloignés des stratégies marketing, ils s'investissent dans l'accompagnement des films qu'ils choisissent en mettant en place différentes démarches auprès des spectateurs.

Leur deuxième stratégie est de donner du temps aux films pour qu'ils trouvent leur public. Ils sont souvent programmés sur quatre semaines, parfois jusqu'à sept semaines. Ce temps est important pour les films à petit budget qui ne profitent pas d'une grande communication. Cela permet en effet le bouche à oreille et le fait de rejoindre davantage le public. Pour Marco Gentil, il est essentiel de voir les films en amont, de les choisir et d'aller vers les spectateurs. Les films art et essai marchent moins bien dans les multiplexes, qui vont moins vers le public. Le cinéma Le Méliès met en place des ateliers réalisation pour le public, et crée des outils pour accompagner les films et les mettre en lien avec les distributeurs. Ils travaillent notamment avec le distributeur Cinéma Public Films, spécialisé dans le jeune public.

Émilie Nouveau

Émilie Nouveau représente cette société indépendante qui fête ses 25 ans et travaille à 99 % avec des salles art et essai. Elle explique que le réseau de cinémas art et essai en France représente 1 200 salles qui défendent des films aux lignes éditoriales intelligentes. Ces films ne suscitent pas tellement l’intérêt des grands médias, la partie marketing est donc remplacée par la création de documents d'accompagnement, avec des petits jeux en lien avec le film. Ce travail permet d'aider les salles et de distribuer de l'information au public. Ils présentent aussi des mallettes pédagogiques, organisent des tournées en France et proposent des ciné-concerts pour donner de la matière aux exploitants.

La promotion et l'accompagnement du film interviennent dès sa création. Ils travaillent en ce moment avec Les Films du Nord pour présenter aux enfants les secrets de fabrication des films. Ce studio a notamment réalisé Le Parfum de la carotte d'Arnaud Demuynck et Rémi Durin, ou encore La Moufle, Prix du jury pour un spécial TV cette année à Annecy.

La Moufle

Questions

Question : Vous parlez de films à petit budget pour les enfants, est-ce possible aussi d'accompagner les films pour les adultes ?
M. G. : Les films d'animation pour adultes sont difficiles à développer. Valse avec Bachir ou Persépolis ont bien marché, mais même des réalisateurs comme Bill Plympton ont du mal a trouver leur public en salle.

Question : Nous avons depuis deux ans des tarifs pour les enfants à 4 EUR dans les multiplexes. Qu'en pensez-vous ?
M. G. : Nous avons un tarif unique à 4 EUR pour les moins de 14 ans et nous avions un tarif spécifique pour les jeunes spectateurs, mais aussi pour les chômeurs, ou les personnes âgées. Il y a aussi derrière cela des stratégies marketing qui nous dépassent et qui ne nous intéressent pas, mais il est vrai que les familles vont voir davantage de films dans les cinémas grâce ce tarif à 4 EUR. D'un autre côté, les multiplexes ont augmenté leurs tarifs adultes et les marchandises vendues en confiserie. C'est une stratégie commerciale qui nous cause plus ou moins du tort.
Nous pratiquons aujourd'hui un tarif qui reste le même pour tout le monde, nous pensons que cela fait partie de la démocratie. Nous n'avons pas de confiseries, par exemple, mais nous essayons de développer autre chose : des ateliers autour des films par exemple, et de présenter des films qui n'auraient pas rejoint le public sans nous.

Question : Le marché restera-t-il le même l’année prochaine ?
G. H. : Les crédits d’impôt viennent de changer, nous pourrons donc mieux financer les productions à partir de 2016.
S. L. : Si nous arrivons mieux à nous adapter à notre marché, nous pourrons envisager un meilleur avenir.
A. M. : En tant que distributrice, je suis toujours très optimiste, mais nous devons faire attention à ce qui se passe en Europe, au niveau du digital single market. Si l’Europe devient un seul marché, Netflix s'implantera et il sera plus difficile de distribuer des films.

Rédigé par Alain Andrieux, ITZACOM, France

Les synthèses des conférences Annecy 2015 sont réalisées avec le soutien de :

DGE   Région Rhône-Alpes

Conférences organisées par CITIA 

En collaboration avec Europa Distribution  Europa Distribution

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