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  Synthèses des conférences 2010

Outils émergents, outils de demain

  1. Intervenants
  2. Modérateur
  3. Créer la ville en quelques traits
  4. Stylised animation : le pictural numérique
  5. The Bakery et Relight
  6. Des gains évidents
  7. Autodesk : sous le signe de l’efficacité

Sommaire

En matière de développement technologique, l’enjeu est évidemment double : le contrôle de la qualité et l’amélioration de la productivité. Les trois premières présentations concernent des outils qui s’inscrivent directement dans cette perspective ; la dernière l’illustre par une évolution majeure dans le processus de création/fabrication, le "virtuel moviemaking".

Intervenants :

Modérateur :

Créer la ville en quelques traits

Pascal Mueller est le PDG et le cofondateur de la société Procedural, Inc., basée en Suisse et spécialisée dans la création d’ensembles urbains pour l’architecture, le design et autres domaines touchant à la CAO. Il y a seulement deux ans que la société a pénétré sur le marché du jeu vidéo et du film, deux secteurs de plus en plus friands de ce type de constructions. "Nos secteurs d’activité premiers sont naturellement l’architecture et les plans d’urbanisation, la simulation et le mapping d’environnement pour des clients tels que Microsoft, Thales, Boeing, etc., et aussi la formation."


"De plus en plus de films intègrent de grands environnements urbains pour des séquences clés, et nos outils permettent non seulement de gagner du temps en termes de création pure, mais aussi de pouvoir facilement remodeler un élément d’un quartier, voire le quartier entier." Un seul exemple suffit, en effet : dans les récents Batman, la création de la ville de Gotham a représenté huit années-hommes, ce qui est extrêmement chronophage et peu flexible. Si Pixar et DreamWorks ne cachent plus leur intérêt pour l’activité de Procedural, c’est que cette dernière fonde ses outils sur la modélisation procédurale justement, avec un logiciel nommé CityEngine, qui en est à sa version 3. Plutôt que de modéliser à la main, le logiciel se charge de tout, et tout changement s’effectue rapidement, en modifiant l’un des nombreux paramètres disponibles.


L’interface se veut conviviale avec un équivalent de palette des calques. Puisque tout est généré de façon procédurale, à base de règles, il suffit de modifier un paramètre et le changement s’opère en temps réel, à la volée. L’accès aux assets se fait via le menu contextuel situé à gauche, permettant un accès à toutes les librairies. À noter qu’une fenêtre de visualisation permet de voir l’objet que l’on souhaite intégrer avant d’effectuer l’opération. Les règles se mettent en place sous la forme d’arborescence, de façon tout à fait classique, comme dans n’importe quel logiciel 3D.


Le Siggraph 2010 sera l’occasion pour Pascal Mueller de dévoiler un nouveau développement pour CityEngine : il s’agit de fonctions de modélisation inverse, qui permettront de partir d’une photographie réelle pour créer un modèle 3D de bâtiments. Il devrait également présenter un outil de modélisation procédurale fondé sur des plans dessinés (sketch-based procedural modeling).


Procedural compte déjà de nombreuses références dans le domaine du cinéma et du jeu vidéo : prévisualisation de la ville de Prince of Persia en vue de sa création effective chez MPC, publicité pour la Toyota Prius, cinématique du jeu Dark Realm, etc. Mais la société poursuit aussi l’activité dans son cœur de métier, avec la modélisation de la future ville écologique de Masdar, commanditée par le gouvernement d’Abou Dhabi, ou encore des quartiers de Marseille à réhabiliter pour Eiffage. Thales s’est également appuyée sur son expertise pour recréer Paris dans une simulation de la crue centennale.


Stéphane Singier, de Cap Digital, s’interroge sur la possibilité de mettre en ligne des librairies de bâtiments disponibles pour les utilisateurs de ce logiciel. La réflexion est en cours sur cette prestation, mais sans calendrier précis, explique le PDG de Procedural.

Stylised animation : le pictural numérique

Anton Roebben et Frank Van Reeth ont ensuite présenté des travaux de recherche associant le studio d’animation belge Walking The Dog et l’université de Hasselt, en Belgique, pour la production du long métrage d’Enzo d’Alò, Pinocchio, sur des dessins de Lorenzo Mattotti.

Pinocchio

Les œuvres de ce dernier se caractérisent par un trait et des couleurs difficilement reproductibles sur ordinateur, ce qui a conduit le studio, et particulièrement son directeur artistique, Anton Roebben, à s’interroger sur la possibilité de créer des outils numériques basés sur des éléments physiques. C’est ainsi qu’ils se sont d’abord attachés à des solutions de simulation de peinture sur toile : un châssis physique, muni d’une caméra, analyse les mouvements d’un pinceau en temps réel pour restituer mouvements, orientation des brosses et pression sur un écran. Autre voie de réflexion : l’utilisation de pinceaux physiques sur une surface tactile qui enregistre les inflexions de l’outil pour créer des traits de peinture numérique. Des outils réels, comme la brosse, l’aérographe, et des techniques d’aquarelle, de pastels, gouaches ou crayonnés, seront ainsi prochainement disponibles de façon virtuelle.


L’animation façon peinture sur verre est également envisagée. L’animateur n’aura alors plus besoin que de ses doigts pour faire naître, sur un écran tactile, de la couleur et de l’animation. Des fonctions "next frame" sont disponibles en un clic, ainsi que des capacités de flip sur une série d’images fixes, pour valider l’animation, le tout toujours avec un doigt.


Tous ces logiciels disposent des fonctionnalités classiques d’animation : lasso de sélection, outils de transformation (rotation, redimensionnement, etc.), colorisation, déformation de formes libres intelligentes, déformation à base de courbes, preview, etc.


Si la plupart de ces outils n’en sont encore qu’au stade du développement ou du prototype, il reste que, pour Anton Roebben, "ils seront commercialisés dans une approche plus orientée services, plutôt que dans un packaging de logiciels du marché".

The Bakery et Relight

Arnauld Lamorlette, cofondateur de Buf Compagnie, et Erwan Maigret, tous deux issus des studios DreamWorks, ont créé en 2007 The Bakery, un studio d’animation et de développement fondé sur leur expertise commune. Auparavant, Arnauld Lamorlette était superviseur des effets visuels chez DreamWorks, tandis qu’Erwan Maigret était le responsable du département R&D du studio américain. Aujourd’hui, The Bakery compte onze salariés, dont sept au seul département R&D.


Relight est leur première suite logicielle ; elle permet une nouvelle approche du lighting. "Le lighting, c’est l’étape finale du film et c’est forcément coûteux", précise en préambule Arnauld Lamorlette. Coûteux en temps, car cela nécessite de nombreux allers et retours pour obtenir la qualité souhaitée ; coûteux humainement, car les équipes en charge de cette étape sont constituées de dix à cent personnes ; coûteux en machines, car une ferme de rendu représente entre 100 et 4 000 ordinateurs, une capacité de stockage de l’ordre de 15 To, un réseau informatique sécurisé et de nombreux autres éléments à l’impact financier non négligeable (réfrigération de la salle notamment). À cela s’ajoutent deux éléments plus récents que sont le passage en HD, d’une part, l’arrivée de la stéréoscopie, d’autre part (dont le surcoût est estimé de 10 à 20 %), sans parler de la question du compositing.


Pourquoi est-ce si lourd financièrement ? Arnauld Lamorlette explique que le processus actuel consiste à effectuer le rendu d’un seul calque à la fois, lumière après lumière, puis effet atmosphérique après un autre, etc. "Ensuite, on ajoute un z-depth et l’artiste joue sur les paramètres jusqu’à parvenir au rendu souhaité. C’est donc un millefeuille peu efficace, qui s’apparente à du compositing, en outre sans réelle créativité." Naturellement, cette optique est possible – c’est d’ailleurs le cas dans bon nombre de longs métrages actuels – et, de toute façon, "les logiciels 3D du marché ne sont pas spécialisés dans le lighting", poursuit Erwan Maigret. "La plupart des studios utilisent le compositing 2D pour raccourcir les cycles de lighting, au détriment de la qualité."


Fort de ces réflexions, The Bakery propose donc un seul et unique outil pour faire à la fois du lighting et du rendu. "Notre logiciel a été conçu dès le départ pour parfaire le workflow de lighting. Au lieu d’avoir un programme 3D couplé à un moteur de rendu séparé, nous proposons un feedback visuel et interactif constant dans le moteur de rendu lui-même. De par son implémentation entièrement multithread de tous les algorithmes de rendu connus, combinée avec un mécanisme de cache unique, l’éclairage par itérations, qui prenait plusieurs heures avec une approche traditionnelle, peut être effectué en quelques secondes."


"Avec Relight, tous les calculs sont mis en cache et réutilisés. Chaque calcul, même minime, est traité après chaque modification de la scène 3D, ce qui permet une réelle interactivité avec l’utilisateur. Plus besoin d’attendre des heures avant de voir le résultat… qui, parfois, ne correspond pas aux attentes et oblige à relancer un calcul", complète Arnauld Lamorlette. Ce dernier ajoute toutefois, pour éviter toute confusion, qu’il ne s’agit pas de temps réel, "juste des cycles plus interactifs parce que plus légers". Cette interactivité dépend naturellement de la taille de l’image et de la complexité de la scène ; et Erwan Maigret de souligner que l’on est bien dans une situation de Wysiwyg (What you see is what you get) et non sur une preview.

Des gains évidents

Pour The Bakery, l’utilisation de Relight serait synonyme de 300 % de gain de productivité, avec des résultats plus rapides, des retouches finales très fines et un besoin en termes de compositing réduit (moins d’images en virgule flottante à stocker, une bande passante plus importante et des capacités supérieures pour la stéréoscopie). Erwan Maigret complète : "Sur la partie back-end, l’intégration de Relight peut faire espérer un gain financier de l’ordre de 50 %."


Arnauld Lamorlette explique que le logiciel sera commercialisé, mais dans une approche d’accompagnement et non sous forme packagée. À ce jour, outre Bibo Films pour le long métrage Un monstre à Paris, beaucoup de studios testent Relight. "Tout le monde trouve cela intéressant, mais la plupart ont déjà un pipeline en place. Le modifier sur un point reviendrait à le bouleverser totalement, ce qui n’est pas, pour l’instant, d’actualité. Ce sera donc un long travail de présentation, mais, d’un autre côté, les jeunes studios qui se montent et se posent des questions sur leurs choix technologiques sont et seront forcément plus ouverts."

Autodesk : sous le signe de l’efficacité

Comme dit en introduction de cette conférence, la "course à l’armement" des studios a quelque peu fait long feu. Les logiciels du marché progressent à chaque version, mais le saut quantitatif n’est plus si important. Marc Petit, vice-président senior d’Autodesk Media & Entertainment, l’a bien compris et explique que les deux défis majeurs auxquels est confrontée l’industrie en 2010 sont "l’innovation créative et l’efficacité de production. Jusqu’à il y a encore peu de temps, la créativité pouvait être bridée par la technique. De fait, les ambitions s’en trouvaient parfois réduites. Maintenant, avec les avancées technologiques, la décision est de nouveau entre les mains des créateurs et l’on ne peut que s’en féliciter."

Avatar de James Cameron

Comme beaucoup, Marc Petit évoque un avant et un après Avatar, de James Cameron. "Il a permis de mettre en pratique de façon concrète ce que nous appelons le virtual moviemaking, qui permet de faire le lien entre toutes les équipes d’un film, de la préproduction à la postproduction, ce qui n’existait pas auparavant. Le fait de pouvoir faire partie intégrante d’un tout, et non plus seulement d’un département, offre l’avantage incroyable d’accroître l’interaction, l’échange d’idées. Ainsi, de grandes équipes peuvent parler au sein d’un même environnement, sans cloisonnement."


Marc Petit a ensuite tracé à grands traits les axes principaux de ce virtual moviemaking : la digital production, la practical production et la postproduction. La digital production prend sa source très en amont d’une production. Selon lui, la prévisualisation occupe une place importante dans la vie d’un film, mais elle va devenir encore plus prépondérante. "Elle n’est pas là pour contraindre le metteur en scène. Au contraire, elle permet au directeur de la photographie, aux superviseurs FX et, naturellement, au réalisateur, d’anticiper les événements et, le cas échéant, de contourner les problèmes en pointant en amont les éventuelles difficultés pour mettre en place des solutions." C’est aussi tout le travail effectué par le département artistique, qu’il s’agisse des assets numériques ou physiques, des effets temps réel, etc.


"L’environnement de travail a diamétralement changé avec Avatar. Deux exemples parmi d’autres illustrent cela : ainsi, de la motion capture basique a été filmée en amont du tournage afin de mettre en place au mieux les mouvements et angles de caméras pour le tournage final. Dans un autre registre, Lightstorm, la société de James Cameron, a travaillé sur une prévisualisation très avancée pour aider les acteurs à s’immerger dans leurs scènes."


C’est donc bien une réelle évolution que met en lumière Marc Petit ; le secteur étant extrêmement concurrentiel avec des outils qui sont peu ou prou les mêmes, le facteur différentiateur revient à la créativité, mais aussi à l’agglomération de talents, tant en interne qu’en externe, autour d’une plateforme unique englobant l’intégralité de la chaîne fabrication.

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