Synthèses des conférences 2011

VFX & animation

  1. Intervenants
  2. Modérateur
  3. Introduction
  4. The Spacebox : un chien plus vrai que nature
  5. Esprit olympique sous-marin
  6. Harry Potter : de Dobby à Kreattur
  7. Paul : quand l'alien prend vie
  8. Questions

Sommaire

Comment animer des personnages de manière réaliste en donnant une apparence vivante à leurs expressions et mouvements ? Réaliser en images de synthèse, intégrer un environnement réel, partir d'images réalistes ou cartoon ? Dans un tel cadre, les choix de réalisation, le storyboard et la prévisualisation prennent toute leur importance.

Intervenants :

Modérateur :

  • Gilbert KINER
    Gilbert KINER

    Directeur de l’école supérieure d’animation et d’effets spéciaux numériques
    ArtFX

    France

Mots clés

effets spéciaux, effets visuels, images de synthèse, prévisualisation, key frame, rigging, compositing, modélisation 3D, blendshapes, Cloth, DAM, Nuke, Maya Fur, mental ray, Paul, Harry Potter, Spots vs Stripes, The Spacebox, conférences Annecy, cinéma d'animation 

Introduction

La conférence "VFX & Animation" illustre par l'exemple la proximité de l'un et l'autre secteur, en matière d'outils matériels et logiciels, mais aussi de talents graphiques.

The Spacebox : un chien plus vrai que nature

Michaël Nauzin relate la production du film publicitaire The Spacebox pour la marque Citroën. "Il s'agissait de mettre en avant les capacités de rangement du coffre du véhicule au moyen d'un chien constitué de divers objets de la vie courante, avec comme message : ne laissez pas vos affaires personnelles à la maison." Le film, réalisé par Sébastien Strasser, a été récompensé par un Visual Effects Society Award pour le meilleur personnage animé dans une publicité.


"Clairement, ce projet sortait du lot de ce que l'on nous propose régulièrement et nous avons constitué une équipe de dix personnes, travaillant pendant environ 250 jours, pour parvenir au meilleur résultat possible."
Selon le chef d'animation, "un bon design doit représenter la vie, la crédibilité du personnage en une image. Au départ, nous pensions joindre les différents éléments constitutifs du corps – un sac, un sèche-cheveux, une paire de chaussettes, etc. – comme un robot articulé. Mais cela s'avérait trop rigide, pas assez vivant justement. Nous avons donc opté pour une mise en place des objets, une mise en scène, pour figurer l'animal. C'était plus allégorique, mais plus dans l'esprit de ce que le client souhaitait." Beaucoup de recherches ont été effectuées pour déterminer les objets les plus à même de représenter les parties du corps et, tout aussi important, à même d'être animés de façon réaliste. Une fois la sélection effectuée, tous les objets ont été modélisés en 3D. "Le set up, récupéré chez Advanced Skeleton Pro, est tout ce qu'il y a de plus simple, et il peut convenir aussi bien pour des bipèdes que des quadrupèdes. L'avantage est que l'on pouvait modifier les bones, les joints, même une fois le skinning opéré."


Le storyboard a eu une place prépondérante dans la production car "réalisé par Sébastien Strasser, qui venait de perdre lui-même son chien. Il donnait une idée bien précise des directions d'acting à prendre, avec énormément de sensibilité dans les cadrages, les animations. Le layout a été intégré dans les prises de vues afin de voir si l'ensemble collait bien aux aspirations de tous." L'animation a également posé question : fallait-il partir dans une option cartoon ou réaliste ? "Il y avait deux chapelles et cela a suscité pas mal de débats au sein de l'équipe", note Michaël Nauzin. Les éléments constitutifs du chien ont fait l'objet de déformations réalistes, principalement le sac, qui figure son corps et qui était donc la partie la plus souple de l'animal, celle qui respire.


Une fois le choix d'une animation réaliste validé, l'équipe de Mikros s'est appuyée sur de nombreuses références vidéo. "Il n'était pas nécessaire de se creuser la tête pour imaginer des attitudes ; nous avions tout l'acting possible en regardant de vrais chiens bouger, interagir avec l'homme. Avec ces références, nous pouvions valider les intentions d'animation."


Enfin, le logiciel Cloth a servi pour l'animation des oreilles, figurées par une paire de chaussettes.


Finalement, cet ensemble hétéroclite d'objets du quotidien prend vie pour constituer un chien, pas tout à fait comme les autres et pourtant si semblable.

Esprit olympique sous-marin

Partenaire officiel des Jeux olympiques 2012 en Angleterre, la société Kraft, via sa marque Cadbury, a produit un film publicitaire intitulé Spots vs Stripes, où deux équipes de poissons et autres animaux marins s'affrontent dans une compétition endiablée, mais dans un esprit sportif, autour d'algues ballons. Pour réaliser ce film, Kraft a fait appel au studio londonien The Moving Picture Company (MPC). "Quarante personnes ont travaillé pendant neuf mois sur ce projet, sous la direction de Nick Gordon et la supervision artistique d'Augusto Sola", explique Anthony Bloor, responsable des effets spéciaux de MPC. Doté d'un budget conséquent de 50 M£, il a fallu au studio repenser ses modes de production habituels sur le film publicitaire : "On nous demande toujours de travailler vite dans la pub, et là, nous avions un projet très ambitieux, mais un planning très confortable, du moins au premier abord."


Trois options sont envisagées : filmer de vrais poissons, créer des poissons en images de synthèse intégrés dans des environnements réels, ou tout réaliser en images de synthèse. Ce sera finalement la seconde option qui sera choisie, pour des raisons d'optimisation de production.


Après de nombreuses recherches pour déterminer l'ensemble des poissons et autres animaux marins (crabes, tortues, poulpes, etc.) qui seraient présents dans le film, la production a choisi de partager le travail entre plusieurs petites équipes, en charge chacune d'une variété d'animal. "Ce type de projet s'est avéré extrêmement lourd à gérer, plus que prévu, et nous avons particulièrement mis l'accent sur la prévisualisation, pendant plusieurs mois, pour déterminer exactement les plans que nous aurions à tourner et les effets visuels que nous aurions à produire. Cela nous a évité de refaire des plans a posteriori."


L'environnement sous-marin est en soi problématique, car la seule source lumineuse du soleil qui vient frapper la surface perd peu à peu de sa puissance au fur et à mesure que l'on descend en profondeur. "Nous avons beaucoup étudié les propriétés de la lumière – réflexion, réfraction, etc. – corrélées à un environnement sous-marin, avec les conséquences sur l'éclairage des poissons, dont la surface, réfléchissante, a aussi généré pas mal de difficultés." En parallèle, les équipes de MPC se sont concentrées sur la constitution des textures des différents poissons en fonction de leurs caractéristiques propres, réalistes, mais aussi selon l'appartenance à l'équipe des Points (Spots) ou à celle des Rayures (Stripes). La plupart de ces textures ont d'ailleurs été calculées en 8K, ce qui donne une bonne idée des temps de calcul pour le rendu.


Finalement, une typologie de quinze créatures a été mise en place, avec des rigs très aboutis, selon l'animal concerné. "Nous avons, autant que faire se peut, tenté d'intégrer de l'animation automatique sur certains personnages, comme les poissons d'arrière-plan et les crabes pom-pom girls", qui agitent devant eux des anémones de mer. Pour gérer cette somme conséquente d'assets, MPC s'est appuyée sur un logiciel de gestion de production (DAM) "pour une meilleure appréhension de tout ce qui est versioning et validation de celles-ci".


Ensuite, une équipe de plongeurs est partie réaliser les prises de vues sous-marines, non seulement pour les environnements, mais aussi pour les mouvements de caméra en vue de l'intégration des personnages en images de synthèse. "Globalement, ils ont réalisé un travail fantastique, en collant bien à notre prévisualisation ; cependant, nous avons dû parfois recourir à des arrière-plans numériques pour éviter un manque d'homogénéité des plans." Le compositing a été intégralement réalisé avec le logiciel Nuke.


Anthony Bloor explique : "Pour chaque plan, nous avons créé une map d'environnement, que l'on pouvait appliquer en une seule passe sur les créatures pour tout ce qui avait trait aux informations de lumière." Trois sources sont ainsi identifiées : une source directe, provenant du soleil, les caustiques, à partir du sol, et, enfin, la luminosité émise par l'environnement même.


Deux plans ont été particulièrement complexes à gérer : le plan final, avec les soixante personnages rassemblés autour du dernier ballon d'algue, et le suivant, lorsqu'un canard plonge récupérer celui-ci et ressort à l'air libre, poursuivi par une raie et un espadon sous un soleil éclatant. "Pour le plan de groupe, la difficulté résidait dans la capacité à intégrer l'ensemble des personnages dans un décor existant dans notre banque de prises de vues. Finalement, nous avons dû faire une extension numérique pour parvenir à contenir cette foule. Pour le plan hors de l'eau, avec le canard qui vient dérober le dernier ballon, nous avons dû totalement refaire son rig pour pouvoir le faire voler correctement. Maya Fur et mental ray ont servi pour gérer les propriétés de son plumage imperméable et ses conséquences avec l'éclairage. Nous avons aussi totalement repensé les effets de la réflexion et de la réfraction sur l'espadon et la raie, peu habitués à se trouver hors de l'eau."

Harry Potter : de Dobby à Kreattur

Nicolas Scapel, responsable du département rigging chez Framestore, intervient ensuite pour parler de la création conjointe de Dobby et Kreattur, les deux elfes de maison de la saga Harry Potter. Si le premier apparaît pour la première fois à l'écran dans Harry Potter 2, le second n'intervient que plus tardivement, dans le cinquième volet des aventures du sorcier.


Le studio londonien participe depuis le premier long métrage à la création d'effets visuels, mais, avec Les Reliques de la mort – 1re Partie, il s'est attaché à recréer visuellement les elfes de maison que sont Dobby et Kreattur. "Il faut savoir que le premier Dobby a été conçu par ILM, tandis que nous étions à l'origine de Kreattur. Nous sommes partis du fait que les spectateurs ne se souviendraient plus forcément de l'aspect précis de Dobby et que nous pourrions donc le recréer, sans pour autant lui faire perdre son identité, explique Nicolas Scapel. Il fallait aussi les humaniser, leur enlever un peu de ce côté grotesque, car leurs rôles dans ce film étaient plus importants et, au regard de l'issue fatale, devaient apporter une dimension émotionnelle plus importante. Cela devait passer par une atténuation des premiers modèles." Une autre décision importante a été de choisir l'animation key frame pour faire jouer les deux elfes, plutôt que de se baser sur de la capture de mouvement.


Une maquette grandeur nature de Dobby a d'abord été réalisée, avec un maximum de détails (rides, veines, etc.) afin que les équipes en charge du rigging et du modeling puissent bien appréhender la complexité du personnage. "Le rigging est une architecture complexe à mettre en place, mais indispensable pour pouvoir modifier à tout moment telle ou telle partie, sans pour autant repartir de zéro." Bien que de nature elfique, le squelette de Dobby a été pensé en fonction de celui de l'homme, les deux équipes (rigging et modeling) travaillant de concert pour une plus grande efficacité. Le corps de Dobby a été constitué avec des rigs de muscles qui ont été utilisés comme "une map de rigging, ce qui s'avérait à la fois plus simple à gérer et plus artistique dans l'approche".


Le visage se devait d'être très expressif de par le nombre de plans serrés de l'elfe, notamment lorsqu'il meurt dans les bras de Harry Potter. "Nous avons créé un rig facial avec des déformations basées sur des blendshapes. Certaines expressions ont été créées via des mappings de displacement, ce qui permet d'altérer certains détails du visage de façon précise."


Afin d'aider également l'équipe de soixante personnes engagées sur le film, le studio a demandé la présence de l'acteur qui fait les voix des elfes sur le plateau de tournage. "Le fait de le filmer sur le plateau, lisant non seulement son texte mais jouant aussi les rôles, nous a largement aidés lors de l'animation des personnages."

Paul : quand l'alien prend vie

Paul est un long métrage de Greg Mottola, sur un scénario de Simon Pegg et Nick Frost, également présents dans le film comme acteurs. Il retrace les pérégrinations de deux geeks qui découvrent un soir un extraterrestre, Paul, au comportement tout ce qu'il y a de plus humain : il fume, boit, raconte des blagues…
"C'était tout le challenge du film, raconte Patrick Giusiano, animateur en chef chez Double Negative. Nous devions rendre Paul non seulement crédible en tant qu'alien, mais aussi attachant et drôle que n'importe quel acteur. Le spectateur devait croire en sa présence dans chacune des scènes, très quotidiennes, du film." Les équipes du studio ont d'abord effectué un recensement de l'imagerie des aliens au cinéma et dans les comic books afin de déterminer la meilleure approche. "L'acteur Seth Rogen, qui fait la voix de Paul, est quelqu'un de grand, costaud, et nous devions parvenir à intégrer sa voix grave dans ce corps chétif. Nous l'avons donc filmé avec des capteurs sur le corps et le visage, afin de récupérer le maximum de données pour ensuite animer Paul, surtout pour les séquences, nombreuses, où il est en contact avec les acteurs humains."


Paul a été animé en key frame. C'était "la solution la plus efficace pour ce personnage d'alien", confirme Patrick Giusiano.

Pour la séquence dite du Titanic, Paul et Simon Pegg sont censés avoir un dialogue proche de celui entre Leonardo DiCaprio et Kate Winslet dans le film Titanic, lorsque celle-ci lui demande de la dessiner, nue. Pour bien entrer dans la séquence, Patrick Giusiano se rappelle : "Être animateur, c'est aussi être un acteur. Je me suis donc filmé en lisant le texte de Paul, afin de déterminer quelle serait la meilleure attitude à adopter. Ce que l'on retire de la référence vidéo n'est pas forcément le ton, le geste, mais l'énergie de l'acting qui s'en dégage. Ensuite, j'ai réalisé un patchwork de ces références pour m'appuyer dessus, comme base de travail."


Plus largement, un membre de l'équipe d'animation qui "ressemblait" à Paul dans sa diction a été filmé sur les séquences clés afin qu'elles servent de références pour les autres animateurs. Enfin, la peau de l'alien et les jeux de lumière sur le visage ont été réalisés avec de nombreux shaders et des maps de displacement.

Questions

Gilbert Kiner : "Dans le cas de Dobby ou de Paul, le rig était-il fixé dès en amont ou avait-on la liberté de le modifier ?"

Nicolas Scapel : "Pour un bipède ou un quadrupède, on part d'un système existant, qui marche bien, et l'on essaye de bloquer les comportements principaux du rig le plus vite possible. Ensuite, en fonction des discussions avec les animateurs, on a la possibilité d'affiner."

Patrick Giusiano : "Tout est affaire de communication. Comme chez Framestore, il y a énormément d'échanges entre les équipes de production et d'animation, afin que l'on puisse avancer ensemble."

 

Gilbert Kiner : "La R&D est-elle un point important au sein de vos studios ?"

Nicolas Scapel : "Il est important de ne pas cloisonner la R&D et les artistes. Il faut savoir récupérer les bonnes idées, où qu'elles se trouvent, pour les réutiliser sur les films suivants."

 

Salle : "Quel est le profil recherché pour vos équipes : généraliste, technicien, polyvalent ?"

Anthony Bloor : "Sur le film publicitaire, être multidisciplinaire est un plus, car nous travaillons généralement en petites équipes. Dans le cas de Spots vs Stripes, l'importance de l'équipe est exceptionnelle."

Patrick Giusiano : "L'animation demande une vraie spécialisation."

Nicolas Scapel : "Sur la partie rigging, qui est très technique, il y a peu de généralistes. Mais si les artistes, globalement, ont une passion pour un sujet, s'ils en ont l'envie, nous les laissons naturellement faire."



Rédigé par Stéphane Malagnac, Prop’Ose, France
Contact : christellerony@citia.org
La synthèse des conférences Annecy 2011 est réalisée avec le soutien de :

 

dgcis  Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

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